Patiente peu communicante !
Ma lettre au CHU de Caen
Bonjour
“Patiente peu communicante, opposante à l’examen clinique”
C’est ce qui est marqué sur le rapport de sortie de ma maman.
Ca veut dire que l’on n’a pas tenu compte de sa maladie d’Alzheimer et qu’on lui a fait payer cher son manque de coopération, en toute inhumanité. Et j’en subis les conséquences.
Ma maman, 93 ans, malade d’Alzheimer, a fait une chute au Parc de l’Odon vendredi 28 octobre dans l’après-midi. Souffrant d’un hématome au front, elle a été emmenée au CHU par les pompiers.
A 20h50, la doctoresse m’appelle pour me dire que ma maman est lente d’esprit et ne répond pas normalement.
Evidemment ! Elle est malade d’Alzheimer. Et je l’ai signalé et répété plusieurs fois.
ON NE SAIT PAS QUE MA MAMAN EST MALADE D’ALZHEIMER !
La doctoresse veut me voir. J’ai donc la chance d’accéder aux urgences et de voir ma maman. Je la rassure.
Finalement, je peux la ramener chez elle en fin de soirée.
Le lendemain, je m’aperçois que son hématome a pris du volume. Ses deux yeux sont fermés.
Je m’inquiète, appelle le 15. Et elle est à nouveau transportée aux urgences du CHU en début d’après-midi.
Au cours de la journée, j’appelle et je vais à l’accueil des urgences. Mais impossible de la voir.
J’ai beau expliquer que ma maman est malade d’Alzheimer, qu’elle ne reconnait que moi, que dans cet environnement étranger elle doit être dans une situation de stress épouvantable.
Je voudrais la voir cinq minutes pour la rassurer. Mais on refuse systématiquement ma demande. Pas de visites aux urgences. On ne fait aucun cas de sa maladie.
Le soir, la personne de l’accueil me dit qu’elle est sous perfusion et qu’on lui cherche un lit. Je n’en saurais pas plus.
Le lendemain matin, je téléphone pour avoir des nouvelles.
Elle a été transportée à l’UHCD. On me passe l’interne qui s’occupe d’elle.
A son tour, elle s’étonne du manque de réactivité de ma maman.
ELLE NE SAIT PAS QUE MA MAMAN EST MALADE D’ALZHEIMER !!!!
Il n’y a donc eu aucune communication entre le personnel sur l’état de ma maman !
On a donc cru qu’elle manifestait une opposition consciente aux soins !
On l’a traitée comme une personne normale !
Pire. Je ne pourrai jamais savoir ce qu’elle a vécu. Mais j’en subis les conséquences.
Dimanche après-midi, quand je l’ai ramenée chez elle, elle était encore “normale”.
Et puis la situation s’est dégradée dimanche soir. A ma grande surprise, elle est devenue absente. Elle s’est “écroulée” et elle est devenue inconsolable. Elle me disait qu’elle n’avait pas mal, mais je voyais bien que sa souffrance psychologique était intense.
Je l’ai serrée dans mes bras et j’ai réussi à la consoler.
Le lendemain lundi, elle a encore été souriante avec l’aide à domicile qui venait faire sa toilette. Mais elle est devenue de plus en plus amorphe et absente.
Hier mardi, elle ne voulait pas se lever. C’est avec difficulté que j’ai réussi à la faire monter dans le fauteuil pour venir à table.
Et aujourd’hui mercredi, c’est encore pire. Elle ne veut pas se lever et c’est moi qui suis obligé de la porter. C’est épuisant. Je n’ai plus de contact avec elle.
En deux jours, suite à son passage au CHU de Caen, j’ai perdu le contact avec ma maman !
Elle semble encore traumatisée par le mal qu’on lui a fait.
Alors que j’aurais pu encore m’en occuper plusieurs mois, je crois que je vais devoir trouver une solution de placement dans les jours qui viennent !!!
Ce qui me désole (c’est un euphémisme), c’est que l’on n’ait pas cherché à savoir pourquoi ma maman ne parlait pas.
Il y a maintenant des millions de personnes âgées atteintes de cette maladie en France.
Cela fait deux ans et demi que je m’occupe exclusivement de ma maman.
Un malade d’Alzheimer c’est un enfant. C’est même pire. Car on peut raisonner un enfant et lui faire comprendre des situations à partir d’un certain âge. Un enfant se souvient. Pas un malade d’Alzheimer.
On peut accompagner son enfant à l’hôpital. Mais un malade d’Alzheimer doit vivre son stress seul.
Il serait temps qu’on comprenne.
J’ai trop de préoccupation pour continuer et fignoler cette lettre. Mais j’en veux énormément à l’inconscience du corps médical du CHU de Caen.
Il ne suffit pas de s’afficher avec un stéthoscope dans la poche pour être un soignant respectable. Il faut avoir de l’intelligence et surtout de l’humanité !
C’est moi qui paie les conséquences maintenant.